Préambule

L'envie de travailler - ou plutôt de retravailler - avec la pastèque m'est venue lorsque j'ai écrit sur les " Duvets ardents " et en regardant les photographies de " Sculptures de duvet ".
Mon esprit s'est mis à glisser de ces évocations de fragments organiques, de morceaux de chairs en noir et blanc, au souvenir de la chair rouge de la pastèque que j'avais mise en scène un jour de l'été 1992, après avoir accepté la " liberté du modèle " que m'avait proposé Paul-Armand Gette. Je dois avouer aussi que quelque chose de l'ordre du manque était depuis à l'œuvre. Le souvenir de cette journée et de ces images ne s'avait jamais quittée.

Cet été 2002 je décidais à la fois de reconstituer les images d'un souvenir et de poursuivre mes Sculptures de duvet (végétal) par des Sculptures de pastèque. Il était important aussi pour moi de passer du noir et blanc à la couleur rouge.

C'est ainsi que j'entamais une histoire photographique et sculpturale … qui allait explorer ce fruit de l'extérieur à l'intérieur. Sous mes mains la pastèque allait être sujette à bien des expérimentations, manipulations, triturations, pressions, épluchages, transformations, mutations etc. Sous mon œil toujours surpris, parfois amusé, elle fut admirée plusieurs jours durant, jusqu'à son épuisement et aussi jusqu'au miens.

Le dénudement

Planète verte, aux méridiens verts foncés, passant de l'ombilic au pédicelle. Cet ombilic ou plutôt cette " cicatrice d'attache " de la fleur pour les botanistes, je la trouvais belle. Lieu de quelle naissance ? Ou de quelle disparition et de quel infini ?

Après l'avoir photographiée ainsi planète, la dépecer fut acte de sculpture par des gestes lents, choisis et précis ! Le couteau ne s'avérait pas être l'outil adéquat. J'utilisais plutôt des lames de cutter. L'écorce d'abord verte faisait part à un épithélium blanchâtre que j'entamais très progressivement pour arriver lentement au tissu biologique rouge. Il s'agissait vraiment de faire effleurer les couleurs rouge-rose et l'eau du fruit. Et cela sans que l'acte de coupe n'apparaisse : j'évitais au maximum de créer des facettes. Puis je lissais la surface et la patinais jusqu'à ce qu'elle soit douce et qu'elle brille, comme je l'avais tant fait avec la pierre …
Curieusement, j'avais laissé intact le pédicelle, brun foncé, comme si l'enlever eut été un sacrilège. Il me résistait et je le respectais.

Citrullus lanatus ou vulgaris, Melon d'eau (Cucurbitacée).

Les cucurbitacées sont des plantes herbacées à longue tige sarmenteuse qui rampe sur le sol ou qui s'accroche à des supports variés par des vrilles.

La pastèque est une plante originaire de la vallée du Nil, où de temps immémorial on en recommandait le fruit comme diurétique et purificateur du sang.

C'est une plante très rustique, c'est-à-dire capable de réussir sans soins particuliers

En Europe, la pastèque est l'objet de cultures importantes sur le littoral méditerranéen et dans le sud de la russie. Elle est également très recherchée aux Etats-Unis. Sur les bords de la méditerranée, on cultive surtout la pastèque à graines noires, à fruit oblong, vert uniforme, à chair rouge, très fondante.

La chair de la pastèque contient 93 % d'eau.

J'eus envie de faire " naître " cette sphère rouge sous un pelage blanc.
L'écorché : voilà un sujet qui m'est familier depuis bien longtemps…

Naissance N° 1, une de mes premières sculptures sur pierre, " s'était faite " dans un bloc de craie blanche : visage au yeux fermés surgissant au centre de l'ossature d'un bassin. Une des sculptures à laquelle je suis la plus attachée.

Naissance : nostalgie de l'origine ? de l'unité à jamais perdue ? de l'insouciance … A t-on jamais fini de naître ou de re-naître … Que de temps pour oser vivre.