2005 : Plus loin dans les ambiguïtés de la chair, au féminin et au masculin.

Lili, Joe, So, Adam, Augusto...

J’ai toujours eu une grande difficulté avec l’idée du modèle, notamment parce que j’ai toujours l’impression que celui qui photographie vole quelque chose à l’autre et que celui qui sert de modèle se fait voler quelque chose : un sentiment ambigu donc. Néanmoins l'idée s'est progressivement incarnée.

Ainsi les relations entre la chair de pastèque et la peau prirent clairement corps à travers l'exploration de l'ambiguïté des chairs…

J’avais commencé avec moi-même pour modèle dans « La recherche du collier » en 2002. Mais l’autoportrait ne m’a jamais beaucoup tentée.

Lili un jour croisa mon chemin, vêtue d’une veste cintrée en cuir rouge vif, d’une jupe noire et de chaussures élégantes à talon, rouges elles aussi. Elle portait aussi un sac à main en fourrure grise assez épaisse, qui me charmait tout autant. Elle incarnait une féminité affirmée mais d’une grande délicatesse et presque fragile.

Lili fut mon premier modèle féminin à accepter l’aventure…

Toutes ces séances photographiques, avec des modèles féminins puis masculins, furent pleines de joies et de surprises insoupçonnées, me réconciliant enfin avec « le modèle ».

Au début, notamment dans « Lili », je mis très longtemps avant de pouvoir regarder en face mes bandes témoins, de même que les grands tirages que je m’étais ensuite décidée à faire.

Sans doute parce qu’elles explorent les régions secrètes et intimes de la sensualité, de la féminité, mais aussi du masculin, et aussi des petites ou grandes « blessures » que chacun peut porter ...

So, série 2 - détail, 220 x 75 cm

Ce fût fraîcheur et allégresse pour H,
animalité presque inquiétante pour So.

Puis les restes du repas,
la robe vidée de son corps, l’absence, la fuite ? s’imposèrent, dans ces paysages aux herbes folles
que j’aime tant, que le hasard clairsema de
quelques chardons …

Après les séries si féminines, j'eus envie de mettre les pastèques au masculin, et me mis en quête de modèles ...

A ma grande surprise, ils me conduisirent à travers leur liberté et leurs envies, vers l'expression d'une violence que je n'avais jamais atteinte : l'horreur, la douleur, la révolte, les pleurs, parfois le dégoût ou l'amertume.